L’évolution néfaste de la ville
La France a besoin de
remettre en place une politique d’aménagement du territoire cohérente et ce à
l’échelle du pays.
Partie 1 : Évolution historique
Le constat actuel, rappelé
par Henri Guaino il y a quelques semaines, est simple : les campagnes se
vident progressivement depuis le 19ème siècle au profit des villes,
et les politiques menées tendent à augmenter cette fracture entre l’urbain et
le rural. C’est d’ailleurs une tendance planétaire puisqu’en 2050 il est estimé
que 70% de la population mondiale vivra dans des métropoles.
Par ailleurs, sur
l’hexagone comme dans les DOM-TOM, l’offensive de la grande distribution a
massivement éliminé les commerces des centres-villes et leurs emplois directs
ou indirects y afférents. Elle a en outre dévalorisé, enlaidi, déshumanisé le
patrimoine environnant des petites et moyennes agglomérations. Il s’en est
suivi que progressivement les services de proximité, administrations, gares,
commerces, écoles, hôpitaux ... ont disparu de la ruralité, détruisant l'âme et
l'identité de nos terroirs. Les zones rurales sont traversées mais pas
desservies, obligeant souvent l'habitant rural à se déplacer par ses propres
moyens, tout en subissant les augmentations de prix du fioul, du diesel... Les communes rurales sont sacrifiées
devant la politique libérale de nos élites privilégiant le calcul budgétaire au
service public de proximité.
A contrario, les vastes
métropoles, monopolisant inexorablement les bassins d'emploi, se développent
anarchiquement en se contentant de parcelliser, de diviser leur territoire :
d’un côté les quartiers aisés et réaménagés
autour du patrimoine existant; de l’autre les zones périphériques souvent mal
entretenues, peu sûres, peuplées des « classes populaires ». Dans les premières, les habitants vivant
souvent des effets de la mondialisation sont en mesure de payer les m2 et les
taxes locales élevés ; dans les secondes, les banlieusards, moins aisés,
sont soumis à la grisaille des HLM et aux heures de transports pour pouvoir
travailler.
Qui peut rêver de ce mode
de vie urbain où chacun subit le stress, le bruit et la pollution (La France
vient d’être épinglée par Bruxelles au sujet de métropoles dépassant le seuil
d’émission toléré) ?
On le voit, l’exode rural
ne fait pas le bonheur des uns au détriment du malheur des autres.
Partie 2 : les lois destructrices des petites
communes
Pour appuyer cet exode
rural et faire disparaître, à terme, les petites et moyennes communes ou
départements au profit d’autres collectivités, la République s’est appuyée sur
un plan de réforme territoriale ayant abouti sur les lois MAPTAM (2014) et
NOTRe (2015), dont certains aspects vont être développés.
Tout d’abord, ces lois
renforcent le rôle des métropoles, notamment dans l’aménagement de gares,
l’organisation du transport, le logement… Les métropoles ont également accès au
programme européen dit FSE (Fonds Social Européen) qui constitue un des leviers
stratégiques et financiers pour promouvoir l’emploi et l’inclusion active en
métropole.
Ces lois affirment
également les nouvelles régions « féodales » dans leur qualité de
chef de file dans certaines compétences ; les régions peuvent également
percevoir directement des aides européennes sans passer par l’État. Ces 2
méga-administrations, coûteuses, devaient mettre fin à l’existence même des
départements sous l’horizon 2020, dont les compétences s’articulent autour de
la solidarité et de la cohésion du territoire, mais les sénateurs ont posé leur
veto à la première lecture du projet de loi. Avec ces grandes régions, nous
pouvons présager d’une volonté politique d’affaiblir les Etats au cœur même de
l’idéologie mondialiste qui tend à supprimer les nations.
Enfin, de la loi découle
le transfert de certaines compétences de la commune vers l’intercommunalité
(EPCI), comme le tourisme, ainsi que le développement de nouvelles compétences
sur les EPCI. Parmi elles, l’aménagement de l’espace intercommunautaire (dont
les règles d’urbanisme), la mobilité, la gestion des milieux aquatiques et prévention
des inondations, la gestion de l’eau et de l’assainissement… Le député LR
Julien Aubert s’oppose à cette dernière, mentionnant dans une intercommunalité
de sa circonscription une augmentations de 400 % du tarif de l’eau.
Autre compétence qui peut
sembler aberrante, la politique locale du commerce et soutien aux activités
commerciales d’intérêt communautaire : cela signifie donc que la gestion
commerciale de centre-ville est définie au sein des EPCI, dont nous savons ce
qu’il en est advenu pour les villes moyennes et villages.
Initialement, l’esprit de
la loi de 1999 sur les EPCI était louable. Comme le rappelait Jean-Pierre
Chevènement, l’intercommunalité souple et à taille humaine était basée sur le
volontariat afin de mettre un commun un besoin public qu’une commune ne pouvait
supporter toute seule. Elle menait donc une politique axée sur les domaines de
l’habitat, du développement économique ou de l’environnement. Mais à travers
l’émiettement communal et les investissements portés par les intercommunalités,
les préfets ont exercé un pouvoir arbitraire, critiquable du point de vue de la
démocratie locale.
A ce jour, les nouvelles
intercommunalités, rigides, sont appelées, à terme, à remplacer les communes
autour de la ville la plus importante de l’intercommunalité. Depuis les
élections municipales de 2014, par le principe du fléchage, les élus des
intercommunalités sont élus en même temps que les élus municipaux. Mais combien
d’élus communaux n’exercent plus leur pouvoir local, passant davantage de temps
dans les commissions intercommunales, se sentant frustrés par la perte de
service de proximité, la perte de leur rôle multitâches auprès du citoyen ou de
défense de l’intérêt de leur commune ?
Pour compléter ce transfert de
compétences, les services de la Ville « centrale » sont mutualisés
avec ceux de l’intercommunalité, soi-disant pour des raisons économiques mais
le coût de la mutualisation reste non négligeable : aménagements mobiliers
et immobiliers, récupération d’agents, donc masse salariale supplémentaire,
création de nouveaux services avec des créations de poste… De ce fait,
l’intercommunalité va voir ses dépenses de fonctionnement augmentées mais elles
doivent être limitées (1.3% par an) sous peine de malus combiné à une baisse
des dotations. Afin de trouver un équilibre comptable, des recettes doivent
être trouvées à travers des taxes directes ou indirectes, impactant directement
les usagers.
Que reste-t-il alors à la
commune, dépouillée de certaines compétences ? Elle ne gère pratiquement
plus que l’Etat-Civil et les affaires scolaires du 1er degré, sans
omettre l’entretien de voirie, tout en subissant une baisse des dotations de
l’Etat et une recette amoindrie à travers la taxe d’habitation, l’obligeant de
mettre fin à certains contrats aidés ou ne pouvant plus gérer certaines tâches
d’entretien ou de maintenance. La volonté politique semble aller vers la fin de
la représentation politique locale. Certaines décisions politiques communales doivent
d’ailleurs faire l’objet d’un aval intercommunautaire, mais les représentants
locaux sont parfois en minorité face aux à leurs homologues de la ville
centrale.
Nous comprenons donc pourquoi
les maires ruraux, agissant par passion, manifestaient contre cette loi Notre,
par crainte de voir la mort définitive de leur commune, avec des émoluments
minimes, contrairement aux élus des métropoles ou régions qui ont vu leurs
indemnités augmentées jusqu’à 40%.
Partie 3 : les solutions
Pour Vanik Berberian,
Président de l’association des maires ruraux, un premier constat se pose :
aux yeux de l’État, un habitant de la campagne n’a pas la même valeur qu’un
habitant urbain (la dotation/habitant pour une commune rurale est moindre par
rapport à celle d’une grande ville), un équilibre doit être trouvé entre ville
et campagne pour éviter la fin de nos petites communes, en se basant sur 3
valeurs chères à notre République.
Tout d’abord la liberté,
pour arrêter ces mouvements imposés vers les métropoles et proposer un
aménagement du territoire tenant compte de l’envie des citoyens. Ensuite
l’égalité de traitement entre habitant urbain et rural, enfin la fraternité
pour proposer les services à toute la population.
Face à ce champ de ruine,
quelles solutions pour redonner vie à nos villes qui ont besoin d’un nouvel
élan de vie et de liberté ? Rama Yade le rappelait récemment, la ruralité
est une valeur d’avenir pour nos communes.
Tout d’abord, remettre en
valeur la fonction de maire, dont l’hôtel de Ville doit redevenir la première
maison de service public, notamment en terme de démarches (administratives,
projet d’entreprise…) nécessitant des échanges humains, mais aussi en termes de
missions publiques locales.
L’intercommunalité ne doit
servir qu’à gérer des projets communs entre communes ne pouvant pas supporter
un projet toute seule, et sur lesquelles les communes souhaitent s’associer, et
le nombre d’élus qu’elle comporte doit être mieux réparti en fonction des
communes qui la composent. N’oublions pas qu’un village n’aura pas les mêmes
besoins qu’une métropole et que la diversité de nos territoires et patrimoines
font la richesse de notre pays soumis en amont aux mêmes règles et mêmes
valeurs républicaines.
Ensuite, aider des
artisans, commerçants, professions libérales à revenir s’installer dans des
villages, en allégeant ou supprimant des taxes, voire en se regroupant sous
forme de pôle (pôle santé, épicerie-boulangerie…). Les communes, selon leur
budget, pourraient également racheter des locaux vacants de centre-ville pour
les restaurer et les louer. De plus, la vie en milieu rural peut repasser par
la mise en place de pôles de développement économique à proximité de grands
axes.
Autre idée : Développer
le numérique et la 4G sur l’ensemble du territoire pour garantir une
circulation de l’information quel que soit la zone géographique. Cela
revitaliserait les villages d’un point de vue économique ou citoyen.
Enfin, remise en place de
services de l’Etat sur les territoires dits ruraux, comme l’enseignement, les
sous-préfectures, services de sécurité, de santé et de transport, agences
régionales, pour assurer une meilleure cohésion et un lien entre commune,
citoyen et Etat. Ceci permettra aussi de rééquilibrer le territoire et de
traiter les citoyens équitablement. Sur
ce même principe, ne serait-il pas judicieux de supprimer les régions pour
élaborer une politique de coopération interdépartementale ?
A l’heure de la
mondialisation, c’est au niveau local qu’il faut agir pour relever les défis de
l’emploi, de la mobilité, de l’énergie, de l’environnement mais aussi de la
pollution tout en pensant à l’appauvrissement des ressources.